Claveciniste de renommée internationale

En 1961, Huguette Grémy-Chauliac se consacra à l’étude du clavecin moderne avec Robert Veyron-Lacroix. Dès 1965, elle fut une des premières à faire des recherches sur la technique des anciens clavecinistes sous l’égide d’Antoine Geoffroy-Dechaume.

Paradoxalement, le clavecin, dont elle deviendra une interprète majeure, ne fut pas son  premier instrument puisqu’elle étudia d’abord le piano dont elle obtint un premier prix dans la classe d'Yves Nat au CNSM de Paris.

Huguette Grémy-Chauliac transmettra la technique des anciens clavecinistes à ses élèves dont le fameux Scott Ross (premier prix de clavecin en 1968) tout en s’attachant aussi à redécouvrir « les secrets » de l’interprétation de la musique des XVIIème et XVIIIème siècles alors inconnus à l’époque. Le facteur de clavecin Hubert Bédart lui construira en 1969 la première copie qu’il réalisera d’après le « Ruckers-Taskin, 1646-1780 » du Musée du Conservatoire.

Huguette Grémy-Chauliac sut profiter de cette amorce de renouveau et fut une des premières interprètes à réintroduire ornements et notes inégales, redonnant toute son authenticité à la musique française pour clavecin. Littérature pour laquelle Huguette Grémy-Chauliac est reconnue comme l’une des meilleures spécialistes actuelles.
Passionnée par l’enseignement du clavecin, Huguette Grémy-Chauliac répondit en 1963, à l’appel de Pierre Cochereau, alors directeur du Conservatoire de Nice, lui demandant de diriger la classe de clavecin qu’il venait de créer. Parmi les nombreux élèves de cette classe, outre Scott Ross, d’autres élèves issus du Canada, d’Allemagne, Japon, USA, Grande-Bretagne, Suisse, Italie deviendront des clavecinistes ou organistes professionnels.

Huguette Grémy-Chauliac enseigna au Conservatoire National de Région de Nice outre le clavecin, l’harmonie et la base chiffrée dont elle créa en France la première classe de l’époque.  Elle dispensa aussi son enseignement à l’Académie américaine de Paris.

Concertiste de renommée internationale, Huguette Grémy-Chauliac est sollicitée par les principaux festivals de musiques baroques où elle se produit en soliste, duo ou avec ensemble. Profondément attachée à son instrument, elle contribue à faire mieux connaître et aimer le clavecin en donnant des conférences et des récitals-débats, où elle dialogue avec  le public.
Huguette Grémy-Chauliac est régulièrement membre du jury des concours du CNSM de Paris et de nombreux concours internationaux.


A la tête d’une imposante discographie d'oeuvres de clavecin saluée par la critique, Huguette Grémy-Chauliac s’est distinguée en proposant aux disques de nombreux enregistrements d’auteurs alors peu connus. Dans son premier disque chez Pathé Marconi en 1969, Huguette Grémy-Chauliac a fait connaître au public pour la première fois des compositeurs inconnus du public tels que Claude Hardel, Jean-Nicolas Geoffroy, Gaspard le Roux, Louis Couperin, Elisabeth Jacquet de la Guerre.
Par la suite, elle sortira de l’oubli des œuvres inédites jusque-là inconnues, telles que :


• « Des Pièces de Clavecin » d’Elisabeth Jacquet de la Guerre.
• « Des Suites pour Clavecin » de Gaspard le Roux.
• « Des Suites pour Clavecin » de Charles Dieupart.
• Le Premier enregistrement de « l’Hexachordum Apollinis » de Johann Pachebel.
• Le Premier enregistrement de l’intégrale de « l’œuvre de clavecin » de Diderik Buxtehude.

Elle  prêta aussi son talent de claveciniste à de nombreux enregistrements pour la radio et les télévisions françaises et étrangères.

Extraits des "Nouvelles Suites de Pièces de Clavecin de 1728" de Jean-Philippe Rameau

Suite en La mineur de Jean-Philippe Rameau

Organiste alternativement à Lyon, Paris, Dijon puis Clermont, il fait paraître un premier livre de clavecin en 1706, influencé par l'art de Louis Marchand. Mais ce n'est qu'après s'être acquis une solide réputation grâce à son traité d'harmonie de 1722, qu'il quittera définitivement Clermont-Ferrand en pour tenter sa chance à Paris où il il éditera en 1724 ses nouvelles pièces de clavecin. Les quatre extraits enregistrés dans ce présent disque sont issus de la suite en La mineur de ce second livre.

Au XVIIe siècle, les suites de danses clavecinistiques sont essentiellement chorégraphiques ; au XVIIIe siècle, la littérature de cet instrument perd cet aspect dansant pour chercher à dépeindre des sentiments, des actions, des portraits, des objets ou des paysages. Les anciennes danses deviennent des prétextes à des oeuvres purement instrumentales. Dans la suite en lors, autant l'Allemande que la courante et la sarabande (reprise dans l'opéra Zoroastre) sont un tournant dans l'histoire du clavecin français : elles ont encore tout du jeu de luthé, des ornements des clavecinistes de Louis XIV, et en même temps, elles déploient le mouvement ample des monumentales fresques pour orchestre à venir sous la plume de Rameau.


Dans l'Allemande, dès la première phrase, notre compositeur cherche à s'élever vers le sentiment du sublime ; la courante et la sarabande découlent davantage de l'ancien moule chorégraphique, mais dépassent les productions contemporaines par le lyrisme théâtral. La gavotte variée s'empare d'un thème populaire pour bâtir une vaste architecture de par ses brillantes variations ; leur exécutive virtuosité rivalise avec les inventions les plus impressionnantes de Haendel à la même époque.


Gaspard le Roux – Suites pour Clavecin - Paru chez VLS en 1993



Si l’on en croit Sébastien de Brossard qui le cite comme un excellent maître et un excellent musicien, Gaspard le Roux semble avoir été très renommé à la charnière des XVII et XVIIIème siècles.


En 1695, son nom figure dans le « livre commode des adresses » aux côtés de Nicolas Le Bègue et François Couperin. Son œuvre comporte des motets, des airs sérieux et à boire et un recueil de pièces de clavecin publié en 1705. On ne connait ni sa date de naissance ni celle de sa mort dont on sait seulement que l’inventaire après décès est daté de juin 1707.

Joaquin Rodrigo – Fantasia para un gentilhombre – Lys Digital en 1995


Joaquin Rodrigo  (1901- 1999) étudiera d’abord la guitare en Espagne puis viendra ensuite à Paris suivre les cours de composition de Paul Dukas à l’école normale de musique. Il a écrit 180 numéros d’opus comportant des œuvres vocales et instrumentales et de nombreux concertos dont le célèbre concerto d’Aranjuez.   

Sa fantaisie pour un gentilhomme composée en 1954 pour guitare et orchestre sera transcrite ensuite pour guitare et clavecin avec l’approbation de l’auteur. Dans cette œuvre, Joaquin Rodrigo rend hommage au vihueliste de « l’âge d’or » espagnol notamment à Gaspard Sanz, guitariste du roi d’Espagne Felipe IV. Cette œuvre comprend 4 parties : 




 

La Musique de Danse au Clavecin - Récital au Festival Bach de Lausanne

Récital enregistré par la RTS -Radio Télévision Suisse au festival Bach de Lausanne en Novembre 2012.
La Claveciniste Huguette Grémy-Chauliac interprète :
  • Louis Couperin
  • François Couperin
  • J-S Bach
  • Domenico Scarlatti
  • Jean-Philippe Rameau
  • GF Haendel
  • Jacques Duphly


Oeuvres de Georg-Friedrich Haendel

Œuvres enregistrées en Juillet 1981 sur le clavecin Ruckers-Tasquin (de 1746 - 1780) et le clavecin Goujon du Musée Instrumental du Conservatoire de Paris par Huguette Gremy-Chauliac.


La Water Music de Haendel aurait été donnée pour la première fois à la mi-juillet 1717 lorsque Georges 1er décida de se rendre en bateau, accompagné de quelques intimes, du palais de St James à la villa de l'ancien Lord Ranelagh à Chelsea où Madame de Kielmansegg devait offrir un souper.

En bons commerçants, Haendel et son éditeur Walsh mirent la partition à la portée des amateurs en la transcrivant pour clavecin (1747). Walsh, d'ailleurs était coutumier de pareilles "réductions d'orchestre". Dès qu'un Opéra de Haendel rencontrait quelques succès, il en publiait les airs :"Ouverture and Song Tunes with their Symphonies, for a simple flute ; and the Duets for two flutes", comme il annonce le 19 mai 1722 après la création le 9 décembre précédent - de Floridante.
Même empressement l'année suivante avec Ottone, créé le 12 janvier 1723 et dont certaines arie sont publiées dès le 19 mars - deux mois plus tard !

Ses publications, en fait, répondaient aux désirs du public - des "connoisseurs"- bien obligé en ces temps privés de radio et de disques compacts, de jouer par lui-même la musique qu'il voulait découvrir. La tradition restera vivace jusqu'à l'apparition du phonographe... La première mention de la musique transcrite pour clavecin ou remontent au 1er décembre 1720 : ce jour-là, Walsh publie un troisième recueil de "Lessons" intitulé "The Lady's banquet" et où les deux premiers numéros sont des "minuets by Haendel" (sic) - le premier étant comme "A Trumpet Minuet by Mister Hendel" (sic), le second comme un "Minuet for the French Horn".

Par la suite, on retrouve d'autres extraits de la Water-Music dans des recueils qui se donnent toujours de beaux titres :
"The Female Parson, or The Beau in the Sudds" ; "The New Country Dancing Master" ou autres "Banquets des Dames"...

Le 7 décembre 1734, on peut lire dans le Craftsmann une liste des ouvrages de Haendel mis en vente  : Le VI° volume mentionne "The Water Music, in seven parts". Enfin en 1734, le 26 février, le "London Daily Post" annonce la publication intégrale de la partition, établi ("set") pour clavecin.

"Intégrale" ? Pas exactement : il y manque de curieusement une des pages les plus réussies - et populaires - de l'oeuvre : l'Allegro final de la suite en fa, heureusement restitué par Madame Huguette Grémy-Chauliac, le présent enregistrement.

Ce qui nous émerveille aujourd'hui c'est que le passage d'un orchestre à un simple clavecin n'a trahi ni l’œuvre, ni sa beauté foncière, ni notre enthousiasme : preuve de la qualité exemplaire de la partition originelle. Sans doute y contribue l'emploi de deux superbes instruments (le Ruckers, 1646, ravalé en 1746 par Blanchet ; un instrument du "célèbre Goujon" datant des années 1740 environ). Sans doute aussi le jeu poétique, subtilement coloré et rythmé de l'interprète.

Mais le grand mérite de cette réussite éclatante reste bien évidemment à Haendel.

Dès l'ouverture de la suite en fa, véritable hommage à l'art Versaillais, on admire ces oppositions rythmées et contrapuntiques qui rappellent l'art du concerto grosso, étudié par le compositeur en Italie, entre 1706 et 1710.

Même plénitude dans l'Adagio e staccato, magnifique arioso pourront y suivre un triomphant Allegro  à 3 temps et un andante à 4, de formes A-B-A. Après un Passepied de 3/8 avec Trio en mineur, viennent un Air au balancement subtil, un Menuet dont la partie centrale se déroule en une superbe atmosphère nocturne, tandis qu'éclatent la franchise, la "bonne santé" des Bourrée et Hornpipe, la joie roborante de l'Allegro final.

Après ce somptueux arc-de-triomphe, la suite en sol apparaît plus intime : c'est en effet une musique de salon, destinée à flatter les oreilles de convives attablés. D'où son caractère plus tendre et ce "ton de la conversation" que s'établi entre les lignes, les instruments ; d'où cette poésie nocturne et discrète qui ourle ses quatre mouvements, emprunté à des danses aristocratiques : Sarabande, Rigaudon (I et II), enfin Contredanse, typiquement anglaise puisque dérivée de la "Country Dance"...

La troisième suite en ré retrouve l'éclat de la première et l'atmosphère des "musiques de plein air" : Fanfare, puis Hornpipe dont le thème ascendant semble vouloir conquérir le monde. Viennent alors un menuet, puis un Lentement aux beaux effets d'écho. Enfin, une Bourrée pleine de brio, qui termine cette partition éclatante dans une joie typiquement de haendelienne.

Ce n'est d'ailleurs pas le moindre paradoxe que pareille page, née pour une société aussi aristocratique, soit devenue, par la force même de son rayonnement, et à tous les sens du terme, aussi "populaire"...

Jean Gallois